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14/04/2009

LAISSE ENTRER LES SOURIS

LAISSE ENTRER LES SOURIS
C'est le titre d'un projet de parcours spectacle, exposition, évènement multiformes à la recherche
de Brion Gysin.
Mais qui est Brion Gysin (1916-1986) ?


Brion Gysin est un peintre,
qui fit en 1937 sa première exposition en compagnie Picasso, Arp, Bellmer, Brauner, de Chirico, Duchamp, Ernst, Magritte, Miro, Man Ray & Tanguy, dont on trouve les œuvres dans de grands musées tel le MOMA à New York ou le Centre Beaubourg-Georges Pompidou à Paris…

Non…

Brion Gysin est un sculpteur
qui apprit la soudure dans les chantiers navals aux Etats Unis…

Non…

Brion Gysin est un homme de lettre,
poète et écrivain qui a publié romans, recueils de nouvelles et de poésie, concepteur de la méthode du cut-up que son ami William Burroughs rendit célèbre et des permutations par ordinateur…

Non…

Brion Gysin est un chercheur, un scientifique
qui travailla sur les « flickers », les ondes alpha et leur influencesur le corps humain et l’inventeur de la Dreamachine avec le concours du mathématicien Ian Sommerville…

Non…

Brion Gysin est un chaman…

Non…

Brion Gysin est un sound designer,
créateur de paysages sonores à base de poésie…

Non…

Brion Gysin est un musicien « so free »
prosopsalmodiant sur le saxophone de Steve Lacy, la guitarede Ramuntcho Matta, père « sous x » du hip-hop et du rap…

Non…

Brion Gysin est un nomade transculturel,
un artiste libre à qui ce projet de parcours spectacle veut rendre hommage et le faire découvrir à un plus large public.

Alors, laisse entrer les souris.

Laisse entrer les souris
Souris laisse les entrer
Les souris laisse entrer
Entrer souris laisse les
Les laisse entrer souris



Un parcours spectacle à la recherche de
Brion Gysin

Peintre, sculpteur, écrivain,
magicien de l’art et de l’expérimentation

Conçu par
Arnaud Coutancier



" Je suis un artiste quand je suis ouvert.
Quand je suis fermé,
je suis Brion Gysin "


UN APRES-MIDI CHEZ BRION GYSIN

J’avais composé avec Denis Lefdup, une musique de scène pour le théâtre, spectacle dont le passage le plus réussi était, à mon avis, un « rêve d’Algérie » qu’interprétaient Hammou Graïa et Saskia Cohen-Tanugi.
Avec Denis et Michel, metteur en scène et auteur de ce spectacle, nous travaillions sur un nouveau projet encore plus musical pour lequel nous rencontrions beaucoup de gens. Je me souviens particulièrement de Moebius , Schuiten et Peeters, Bernard Sajner et Sapho.

Michel m’appela un jour pour me dire qu’il avait rendez-vous avec un peintre et poète du mouvement Beat. Je connaissais bien Ginsberg ainsi que Burroughs que j’avais découverts assez jeune grâce à un numéro de la revue Planète Plus consacré à « Bob Dylan et la Beat Generation. »
J’avais ensuite dévoré Kerouac et je m’intéressais à ce mouvement d’idées, propre à séduire un adolescent plutôt rebelle mais j’avoue que le nom de Brion Gysin ne me disait rien. Et Internet restant à inventer, je me retrouvais avec Denis et M.A, curieux et ignorant, dans un petit appartement faisant face à Beaubourg, accueilli par Brion Gysin .











Arnaud Coutancier      1957 Brion Gysin



Longtemps, cet après-midi est resté dans ma mémoire comme un rêve.
Comme si j’étais conscient d’avoir vécu quelque chose d’irréel.


Je connaissais la technique des cut-ups (M.A en avait d’ailleurs largement usé dans la pièce que nous venions de finir, passant, entre autres, sous les ciseaux, un très beau texte de Michel Tournier sur les pigeons voyageurs ) mais j’appris au fil de la conversation que je me trouvais devant son « inventeur ».
Nous parlâmes de l’Algérie dont je ne faisais encore que rêver et que je découvris avec bonheur quelques années plustard lors des représentations de « L’escargot entêté » , du
Maroc qu’il découvrit grâce à l’écrivain Paul Bowles, de la peinture, de musique (il nous fit écouter un extrait d’un enregistrement avec Steve Lacy), du phénomène de la création et aussi, en ce début des 80’ qui virent se développer l’individualisme et l’apologie du « battant », de la force du collectif... et de l’amitié.

Je ne revis pas Brion Gysin et cet après-midi (il y avait du soleil, je me souviens bien) s’est ménagé une petite place secrète dans ma mémoire. Si secrète que je n’y eus plus vraiment accès pendant longtemps, jusqu’à ce nouvel après-midi ensoleillé de novembre 2003.
J’étais à Paris pour trois semaines avec « Montedidio », pièce mise en scène par François Béchu et j’en profitais pour renouer quelques fils avec les souvenirs de mes 20 ans, époque où je vivais Place Léon Blum puis à Ménilmontant.
Cet après-midi là, je partis donc à pied avec un appareilphoto, décidé de faire des clichés d’endroits où j’avais des souvenirs forts de cette période. Le quai Malaquais, le pont des Arts, l’esplanade entre St Germain l’Auxerrois et le Louvre, la rue de l’Arbre Sec…
Arrivé à Beauboug, je photographiais le reflet du Centre Pompidou dans les vitres d’un petit immeuble qui lui fait face.
Et là, un flash !
Sans machine à remonter le temps, je me vois devant cette même porte, plus de 20 ans en arrière. L’image distincte de ce vieux monsieur passionnant (il n’avait à l’époque, pas encore 70 ans mais déjà 3 fois mon âge, celui de mon grand-père) cet homme d’une grande gentillesse et d’une simplicité extrême et l’émotion précise de ce moment magique me submergea subitement.
Mais comment s’appelait-il ? Ma mémoire avaitgardé intacts les gestes précis de ses mains, le débit calme de ses paroles, l’acuité de son regard mais pas son nom.

The last museum, Brion Gysin

Quelques temps plus tard, par Internet, je tombais sur une photo de lui : Brion Gysin, c’était bien lui ! Et je le redécouvris à travers quelques sites qui lui sont consacrés. Avec le regret (avoir 20 ans n’est pas toujours facile ) de m’être contenté de cet après-midi, de ne pas en avoir provoqué d’autres.



Si la peinture et la littérature de Brion Gysin sont mal représentéessur la toile (très peu d’œuvres), je découvris en revanche la Dreamachine dont curieusement, il ne nous avait pas parlé.
Dans cette société qui aime bien mettre les humains dans des petites cases (pour mieux les ficher ?) et se méfie de ceux qui passent allègrement de l’une à l’autre, les artistes n’échappent
pas à ce diktat du « grand catalogue.» Brion Gysin était un artiste touche à tout, « une figure du nomadisme transculturel », un être libre et généreux, faut-il y voir-là la raison de son audience inexistante auprès d’un large public ?

Depuis, de ce souvenir lié à mon histoire personnelle s’est mû en une envie de « retrouver » Brion Gysin, de lui rendre hommage, de le faire (re)découvrir. Dire aussi que nous marchons allègrement
aujourd’hui (et sans en avoir vraiment conscience, en musique notamment) sur des sentiers défrichés par lui hier.

De cette envie est né ce projet de parcours spectacle à la recherche de Brion Gysin et sa forme particulière pour rendre plus sensible et personnelle l’approche du spectateur.

Arnaud Coutancier, La Frogerie, mars 2005


LES CUT-UPS

L'art de Brion Gysin s'origine dans le mot. "Toutes les religions du "peuple du Livre" c'est-à-dire les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans sont basées sur l'Idée qu'au commencement était le Verbe (The Word)" dit-il . L'art est tentative des "outsiders" : magiciens, alchimistes, artistes pour lutter ou dévier le destin. "Qu'est-ce que le destin ? Le destin est écrit : Mektoub veut dire c'est écrit. Aussi, si vous voulez défier, changer le destin...coupez les mots...faites-en un nouveau monde" . Ainsi, l'art n'est plus matrice de fécondité et d'épanouissement mais lutte existentielle contre le destin, guérilla underground ou contre-pouvoir. "Mon ambition" confirme Brion Gysin "était de détruire les liens supposés naturels du langage mais qui au fond ne sont que l'expression du pouvoir, l'arme privilégiée du contrôle et même le contrôle en son essence"2.
Sans nous étendre plus avant, il est aisé de constater que les arts du mot au XXe siècle, des "mots en liberté" de Marinetti aux cuts-ups" de Burroughs et Gysin en passant par Dada, Artaud et l'Ultra-lettrisme relèvent d'un comportement destructeur. Pour la plupart de ces avant-gardistes, il s'agit d'effacer, couper, permuter les mots, les mixer à l'aléatoire ou leur imposer un nouvel ordre arbitraire, voire mathématique, pour brouiller le sens, créer un chaos sonore ou typographique, faire surgir l'absurde, le cri primordial et, dans le cas le plus positif, l'ambiguïté du langage. A cette fin de déconstruction, les machines : magnétophones, photocopieuses, tables de mixage, télévisions, ordinateurs sont utilisés comme des armes de métissage et de contrôle contre culturel.

« Si vous voulez changer le destin... coupez les mots ! »
« Nous avons commencé à découvrir toutes sortes de choses sur la nature réelle des mots et de l'écriture... Qu'est-ce que les mots et que font-ils ? Où vont-ils ? La méthode des cut-ups traite des mots comme le peintre traite sa peinture, de la matière première avec des lois et des raisons qui lui sont propres... Les peintres abstraits ont découvert que le vrai héros du tableau est la peinture. Je respecte le genre de peintres et d'écrivains qui veulent être des héros, ils défient le destin dans leur vie et dans leur art. Qu'est-ce que le destin ? Le destin est écrit : Mektoub veut dire "C'est écrit". Alors... Si vous voulez défier le destin et le changer... coupez les mots ! Changez-les en un monde nouveau ».

Brion Gysin à Robert Palmer pour la revue Rolling Stone, mai 1972.


La technique des CUT-UPS
La technique est simple : à partir d’un texte que l’on découpe, on en compose un autre en réorganisant manuellement ou à l’aide d’un programme informatique, les divers éléments de façon aléatoire.

La dimension littéraire classique, éloignée des recherches liées aux nouvelles technologies a connu, il y a 50 ans, Une révolution électronique qui a influencé depuis la musique jusqu'à la recherche sur les interfaces de gestion de données.
Depuis l'invention de la technique du Cut-up, réalisée conjointement par Brion Gysin et William Seward Burroughs dans les années 50 au fameux "Beat hôtel" à Paris, de nombreuses personnes ont développé les théories et expérimentations de ces deux artistes.
Que ce soit dans le travail de l'image, du son ou du mot, la technique du cut-up a laissé place à ce que Burroughs appelle : "La Révolution Électronique". On peut entendre le mot "électronique" dans le sens de l'expansion des nouveaux médias sonores et visuels : réseaux numériques et musicaux, machines de contrôle...De plus les théories de Burroughs s'avèrent être souvent prémonitoires et anticipées sur son temps.
De nombreux pionniers se sont revendiqués de ces techniques, de Genesis P-Orridge à David Bowie en passant par Laurie Anderson, les Swans, et bien d'autres. En matière sonore, l'assemblage même d'une série de samples renvoie au cut-up, le cut-up renvoyant lui-même à la technique du montage cinématographique, à une partition musicale, ou encore au collage.
Quoi qu'il en soit le cut-up passe avant tout par le texte, ou plutôt des "séquences de texte". Réorganisés machinalement, ces découpages ont donné lieu à de nombreuses expérimentations, jusqu'à l'utilisation par Brion Gysin, de programmes informatiques dans les années 60 pour développer ses poèmes combinatoires ; cours vers découpés et réassemblés aléatoirement qui donnent un sens inattendu et révélateur d'un sens plus profond du langage, de son enracinement dans la matière. Burroughs défendait l'idée du Langage Virus, mutant et envahissant. Le cut-up prolonge parfaitement cette idée, prouvant la puissance du verbe, même employé à contre-sens, ou non-sens.


Les origines magiques de l'art
Nous avons passé beaucoup de temps devant le miroir à cette époque. Nous avions le sentiment de disposer de tout le temps du monde pour nous adonner à de telles explorations et nous avons fait des choses assez étranges, juste comme ce qu'"ils" ont toujours dit que nous faisions. Nous savions que nous étions sur la bonne voie quand nos trucs marchaient, tu vois, et ils marchaient. Par exemple, les cut-ups, ils ont marché immédiatement et ils marchent toujours, bien que nous en connaissions bien plus à leur sujet que lorsque le premier découpage a donné quelque chose d'hilarant et d'évident. Les permutations m'ont découvert - parce que les permutations existent bien sûr depuis bien longtemps; dans tout le monde magique les permutations font partie du secret cabalistique - et elles ont marché dès que la BBC m'a demandé de venir faire un tour à Londres et m'a donné leur studio Special Effects and Footsteps et le matériel pour travailler avec - en un rien de temps nous avons fait I AM THAT I AM, un son connu en poésie classique. La Dreamachine a marché dès qu'elle a tourné autour d'une ampoule et que nous avons fermé nos yeux devant. Et cetera.

Découverte des cut-ups
Terry Wilson : Quel besoin avais-tu de donner la technique à quelqu'un plutôt que de l'utiliser toi-même ?
Brion Gysin : C'est une très bonne question. Tu parles des cut-ups, bien sûr. Au début quand je me suis mis aux cut-ups et que j'ai rassemblé ces textes qui sont parus dans "Minutes to Go", cela m'a amusé. J'ai beaucoup ri. Je connaissais tout de l'écriture précieuse et pseudo-automatique de Breton et j'avais entendu parler du poème que Tristan Tzara tirait d'un chapeau à peu près au moment même où Aragon récitait son poème sur l'alphabet devant l'avant-garde des années vingt. Tout cela est dépassé. Les cut-ups étaient tout nouveaux parce que les mots étaient traités comme un simple matériau, comme les images qu'ils sont; ils étaient traités de la façon créative d'un peintre plutôt que selon la vision métaphysique que l'écrivain a du langage comme la moindre partie du discours. Les mots étaient attaqués physiquement avec les ciseaux ou la lame Stanley d'un encadreur. Les mots jaillis dans l'action comme dans mon texte "Cut-ups Self-Explained" en ont témoigné aussitôt...
Je montrai les premiers textes à Burroughs, espérant l'entendre rire aussi fort que moi. Il enleva ses lunettes pour les relire encore plus attentivement et dit : "Tu es tombé sur un gros truc, là, Brion." Il remit ses lunettes pour me dévisager à travers la pièce, tandis que je lui expliquais comment les textes avaient été faits, puis il s'en empara de nouveau pour se replonger tout droit dans les pages. Il reconnut immédiatement qu'il s'agissait d'un outil d'une importance considérable pour lui et dit, d'un ton plutôt hésitant : "Ca ne t'ennuie pas si j'essaie un peu ce truc-là ?" et je répondis : "Non, vas-y, c'est fait pour ça." Et c'est ce qu'il fit, il l'appliqua à son matériel propre, il en avait une pleine valise, manuscrit considérable qui n'appartenait pas au "Festin Nu" mais allait devenir "Dead Fingers Talk", "La Machine Molle" et "Le Ticket qui Explosa". William travailla comme un enragé et se rendit ensuite à la Conférence des Ecrivains d'Edimbourg où il fit un exposé sur "La Méthode des Cut-ups de Brion Gysin". Il n'arriva pas en disant: Regardez, voici une nouveauté toute chaude que je viens d'inventer, ma coupe déborde de génie. Non, il prit le taureau littéraire par les cornes et répéta ce que j'avais dit : "L'écriture a 50 ans de retard sur la peinture. Je propose d'appliquer les techniques des peintres à l'écriture... etc..."

PEINTURE

"On ne doit pas oublier que tout art est magique de par son origine - musique, sculpture écriture peinture - et par magique je veux dire conçu dans l'intention de produire des résultats très précis. Les peintures étaient à l'origine des formules pour faire arriver ce qui était peint. L'art n'est pas une fin en soi, pas plus que la formule d'Einstein matière-espace-temps n'est une fin en soi. Comme toutes les formules, l'art était à l'origine fonctionnel, censé faire arriver les événements, de la même façon que la formule d'Einstein produit une bombe." B.G


Brion Gysin était un peintre, un poète, un raconteur et plus : un magicien de l’art et de l’expérimentation. Parlant d’elles-mêmes, ses peintures glissent de l’arrière pays de l’abstraction avec des scènes marocaines, vastes étendues du désert ou foules grouillantes de Marrakech, à la pure abstraction que l’on peut voir sur cette lithographie.
Cette dernière montre trois des influences majeures de l’art de Gysin : la calligraphie japonaise, qui s’écrit verticalement de haut en bas ; la calligraphie arabe, qui elle va horizontalement de droite à gauche ; et les quadrillages cabalistiques de la magie marocaine qui les rassemble étroitement.
Ici, ses signes écrits en travers de l’image s’élèvent de tous côtés, dansent et sautent contre les strates de quadrillages et les couleurs délavées.
Brion Gysin a travaillé pour de grands musées comme les MOMA de New York & Phœnix, la Fine Arts Gallery de Boston, le Centre Beaubourg Georges Pompidou à Paris et à sa mort, les nombreuses œuvres trouvées dans son appartement sont entrées dans les collections du Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris. Néanmoins, son travail n’est pas largement connu dans l’art international bien qu’il apparaisse dans quelques ouvrages de référence.

Permutations
Brion Gysin
1973


Extrait de Permutations, livret édité pour le vernissage de l’exposition éponyme.
Galerie Weiller, rue Gît-le-Cœur, Paris, mars / avril 1973. Le texte est de WSB.

On est de là où on perd sa virginité
Brion Gysin est donc un peintre parisien. Il a exposé pour la première fois à Paris, bien avant la guerre, à l'âge de 21 ans. L'occasion était une exposition collective organisée par les surréalistes, et à laquelle Picasso avait bien voulu participer. Elle a eu lieu à la galerie Quatre-Chemins, sise alors à Montparnasse sur le Boulevard Raspail. Breton lui-même avait fixé la date du vernissage au vendredi 13 décembre 1937. Et pour Brion Gysin ce jour fut funeste. En arrivant de bonne heure à la galerie, le jeune peintre eut la mauvaise surprise d'y trouver Paul Eluard en train de décrocher ses tableaux sur l'ordre d'André Breton qui s'était bien gardé de le faire lui-même. Banni de la galerie, Brion Gysin sortit exposer ses tableaux sur le trottoir. Il y fut cueilli par Valentine Hugo, elle-même surréaliste dissidente parce qu'ex-amie d'André Breton. Vociférante, Valentine Hugo entra dans la galerie demander la raison de cette exclusion brutale. La voici.
Breton venait de décréter alors que, le quatorze juillet étant devenu une fête bourgeoise, la révolution surréaliste devait dorénavant se célébrer le 28 janvier, anniversaire de la mort de Louis XVI. Le "pape" du surréalisme ordonna à ses fidèles, menés par le grand rouspéteur téméraire Benjamin Perret, un chahut monstre à la messe mémoriale à Notre-Dame. Entre-temps, Marie-Laure de Noailles s'était précipitée commander des petites guillotines en chocolat chez les meilleurs confiseurs du faubourg, qui se refusèrent d'ailleurs à les exécuter. Tous les peintres surréalistes du groupe reçurent l'ordre de faire des affiches promulguant la nouvelle fête révolutionnaire. Sommé de présenter sa maquette Brion Gysin eut le malheur de la déposer chez Breton, rue Fontaine, la veille de l'exposition. Son affiche représentait une gigantesque tête de veau portant perruque, échouée sur une plage désertique. Censée représenter la tête du roi décapitée, elle ressemblait beaucoup plus à la tête du pape du surréalisme. Brion Gysin fut exclu du groupe surréaliste pour crime de lèse-majesté. Déjà à cette époque, Brion Gysin habitait la rue Gît le cœur, d'où il fut délogé par les événements de 1939. Sur les chemins de la guerre, Brion Gysin se retrouva avec plusieurs grands peintres surréalistes, comme Max-Ernst et Matta qu'il fréquenta beaucoup à New York dans les années 40. En Amérique, plusieurs voyages par avion entre Miami et la Havane l'amenèrent à peindre des visions abstraites, des paysages aériens, des Florides baignant dans le Golfe Stream. Bientôt incorporé, les autorités militaires américaines prirent la décision étonnante de clairvoyance, de lui faire apprendre le japonais, une langue qui s'écrit au pinceau. Cet exercice a profondément marqué la peinture de Brion Gysin dans son graphisme. Autre influence, l'écriture arabe, dont la foudroyante marche de droite à gauche l'enchanta dès son premier voyage en Algérie et au Sahara, en 1938, et surtout au cours de longs séjours au Maroc dès 1950. Sidéré par la lumière de l'Afrique du Nord et les hautes couleurs orientales, le peintre y fut séduit par les rêves millénaires, l'éternelle et sifflante solitude du désert aussi bien que par les foules grouillantes des marchés marocains. Mais comment faire entrer tout cela dans sa peinture ? Comment saisir et se servir de ces deux écritures si disparates et dont il se savait le seul à deviner les possibilités d'union magique ? Longue étude.

En Occident l'espace pictural est la page ou la toile, droit devant nos yeux donc statique. Par contre le kakémono japonais se déroule dans le temps et l'inscription musulmane court autour de la pièce, occupant ainsi l'espace de manière à faire tourner sur lui-même le spectateur. Si l'écriture japonaise tient la page comme suspendue de haut en bas, dégringolant en lianes dont les fleurs et les fruits seraient les complexes idéogrammes, l'écriture arabe est une armée en branle, brandissant bannières, oriflammes et sabres nus.
Comment brancher ces deux forces graphiques l'une sur l'autre pour faire surgir, comme par enchantement, des images à l'infini ? Brion Gysin a trouvé la solution dans un carré cabalistique caché dans sa cheminée à Tanger, et destiné à le faire partir : "comme la fumée quitte ce foyer, il quittera cette maison." Revenu à Paris et de nouveau rue Gît-le-Cœur, dans le célèbre Beat Hôtel au numéro 9, Brion Gysin devint l'ami et collaborateur de William Burroughs dont il inspira l’œuvre littéraire en lui suggérant les "cut-ups" et d'autres techniques.
"La littérature a 50 ans de retard sur la peinture." B G.

***

"La peinture de Brion Gysin est en rapport direct avec les racines magiques de l'art... les images changent constamment parce que vous dessinez dans le voyage, dans le temps sur un réseau d'associations. Brion Gysin peint du point de vue de l'espace hors du temps."
(WSB, Essay on B.G. dans "Contemporary Artists")

***
" L’artiste ne fait que mettre en marche les moyens par lesquels l’œuvre se fait tout seul" B G.

***
Expositions collectives
1937 Galerie Quatre-Chemins à Paris avec Picasso, Arp, Bellmer, Brauner, de Chirico, Duchamp, Ernst, Magritte, Miro, Man Ray & Tanguy.
1957 à Paris avec Matta et d’autres
1960 « Silence to say goodbye », Salon « Réalités Nouvelles », Paris.
1961 Musée des Arts Décoratifs, Louvre, Paris : “l’Objet”
1962 à Paris et Londres.
1964 Haut de Cagnes, France, Palazzo Guggenheim à Venise.
1966 Paris, Prague, Nice with Bernard Heidsieck.
1969 Université de Rouen, France.
70’ New York, Bruxelles, Suède, Norvège, Liechtenstein, "Paris-New York" & "Burroughs-Gysin Read" Centre Pompidou.
1980 Centre National des Arts Graphiques et Plastiques, Paris : « Ecritures ».


Expositions personnelles
1939 Galerie Quatre-Chemins,
1952 Hôtel Rembrandt à Tanger, musée de Las Palmas, musée de Ténériffe : « Carnet de voyage au Sahara ».
1957 New York, Chicago, Rome, Londres et exposition collective avec Matta et d’autres en
1960 à Paris
1964 à Tanger
70’ Paris « Beaubourg the Last Museum » et « The Last Museum in Kodacolor 11’’ », « Dreamachine » à Bâle.
1981, October Gallery à Londres


 

BEAT HOTEL


Célèbre hôtel du n° 9 de la rue Gît-le-Coeur à Paris qui fut baptisé ainsi pour avoir été le point de ralliement de la Beat Generation. Il était tenu par Madame Rachou, surnommée la "mère aux cheveux bleus de nous tous".

Jack Kerouac, dit-on y descend le premier en 1956, suivi par Allen Ginsberg, Gregory Corso, Peter Orlovsky, William S.Burroughs, Brion Gysin, Ted Joans, Harold Nose, Ian Sommerville, etc. C'est dans cet hôtel que Corso a écrit son poème le plus connu, The Bomb, et que Ted Joans a peint une fresque intitulée The Chick Who feels off a Rhino, détruite depuis.
C'est également dans les chambres du Beat Hotel que Burroughs a achevé The Naked Lunch et a imaginé l'ensemble de sa Trilogie.


Madame Rachou, propriétaire (Paris, fin des années 50)

C'est encore là que Brion Gysin a mis au point la technique du cut-up, celle des permutations et a construit la première Dreamachine sur les conseils de Ian Sommerville.

Dans Cut-ups : A project for disastrous Success, Gysin a reconstitué l'atmosphère inimitable de cet hôtel hors du commun, en pleine guerre d'Algérie (entre 1958 et 1960), quand il collabore avec Burroughs aux premiers textes cut-ups :

« Je me retirais avec William Burroughs dans la chambre n°15 du Beat Hôtel pendant le froid printemps de 1958 pour mettre au point nos techniques d'écriture. Des pages du manuscrit du Festin nu de tous les âges et de toutes les conditions flottaient dans la chambre hermétiquement close tandis que Burroughs déambulant dans un nuage ectoplasmique de fumée, interprétait les rôles gargantuesques du Doc.Benway, d'A.J., de Clem & Jody, et de centaines d'autres qu'il n'avait jamais le temps d'engranger dans la machine à écrire ». le bar du « Beat Hotel »

The Beat Hotel (film)

The road to Beat Hotel (documentaire)


«beat» signifie «être, d'une façon non dramatique, au pied de son propre mur».
Lorsqu'en 1957 Jack Kerouac dégoupilla Sur la Route, plusieurs trublions réfractaires à l'Amérique bourgeoise se regroupèrent dans son turbulent sillage: c'est ainsi que naquit la Beat Generation, une anti-école qui voua un culte à la révolte en faisant provision d'extase dans les paradis artificiels. Pour Kerouac, le mot «beat» signifie «être, d'une façon non dramatique, au pied de son propre mur». Cette phrase servit de manifeste aux autres mousquetaires du mouvement, qui firent souffler les vents de la liberté sur l'Amérique des sixties: mêlant poésie expérimentale et contestation politique, quête spirituelle et expériences hallucinatoires, la Beat Generation a vraiment marqué une époque.



DREAMACHINE

La DREAMACHINE ou Machine à Rêves fut inventée en 1969 par Brion Gysin en collaboration avec le mathématicien Ian Sommerville.

La Machine à Rêves est venue de ses observations sur une route bordée d'arbres, la lumière intermittente du soleil entre les troncs l'amenait à un état de conscience altérée :

« J'ai eu aujourd’hui une vision transcendantale, une tempête de couleurs, dans le bus en allant à Marseille. Nous roulions sur une longue avenue bordée d'arbres et je fermais les yeux dans le soleil couchant quand un flot irrésistible de dessins, de couleurs surnaturelles d'une intense luminosité explosa derrière mes paupières, un kaléidoscope multidimensionnel tourbillonnant à travers l'espace. Je fus balayé hors du temps. Je me trouvais dans un monde infini... La vision cessa brusquement quand nous quittâmes les arbres... »
extrait du journal de Brion Gysin, 21 décembre 1958


L’artiste apprit plus tard qu’il avait subi l’effet d’un phénomène de flicker (clignotement). Cette expérience va bouleverser sa création. A travers sa Machine à rêver, il nous fait partager ce ressenti. L’appareil, construit avec Ian Sommerville, est constitué d’un cylindre en carton, muni de fentes et contenant une ampoule, il tourne sur un gramophone à 78 tours par minute. Ce dispositif lumineux au clignotement continu, à regarder les yeux fermés, provoque des sensations inédites : lumières extraordinaires, hallucinations, visions kaléidoscopiques. Le sujet voit aussi sa perception du monde environnant s’accroître.
Ces réactions, souvent recherchées dans la culture psychédélique des années 1960-1970, constituent l’œuvre elle-même. La machine à flicker n’est pas à regarder, elle n’est qu’un moyen d’accéder à cet état second, variant selon la position du spectateur (distance/rapprochement, yeux ouverts/yeux fermés) et suivant l’utilisation de l’appareil (vitesse, couleurs et motifs du cylindre, disposition des fentes).
extrait du catalogue de l’exposition « Sons et Lumières » 2004/2005 Centre G. Pompidou.


Cette technique était déjà utilisé par des Aborigènes du nord de l'Afrique qui entraient en transe en tournant leur visage en direction du soleil et en bougeant rapidement leurs mains, doigts ouverts, entre le soleil et leurs yeux fermés.

Avec cette nouvelle ère technologique dans laquelle nous vivons, la Machine imaginée par Brion Gysin peut servir à nous rappeler que la base conceptuelle pour la grande aventure intérieure est aussi multi-millénaire que le Soleil et les arbres. La beauté de tout ceci réside en sa simplicité, l'écologie de sa fabrication.

Les nombreux usagers de la Machine à Rêves s'y réfèrent comme à un "voyage" avec une forte insistance sur les aires inconscientes de l'état Onirique. La Machine à rêves est un passeport pour entrer dans ce royaume.

Brion Gysin reçut des offres diverses de compagnies, dont la multinationale de l'électronique Phillips, qui désiraient patente et distribution commerciale de la Machine à Rêves que l'artiste avait inventée à partir de rien. "Quand je leur ai dit que la Machine à Rêve aurait pour effet que les gens deviendraient plus éveillés, ils y perdirent tout intérêt. Tout ce qui les intéressait, c'était de produire des Machines et des drogues qui feraient en sorte que les gens soient maintenus dans le sommeil "


Brion Gysin parle de la Dreamachine.

Re/Search : Qu'est-ce qui se passe avec la Dreamachine ? A un moment... tu as dit qu'elle aurait pu être le tournant sans drogue des années soixante. Pourquoi cela ne s'est-il pas produit ?

Brion : Une des raisons est que... je pense que cela fait peur aux gens... A cause du fait que cela concerne cette zone de vision intérieure qui n'a jamais été manipulée auparavant. Excepté dans l'histoire, on a entendu parler de certains cas - dans l'histoire de France, celui de Catherine de Médicis et Nostradamus, par exemple; ce dernier s'asseyait en haut d'une tour (qui est justement en train d'être restaurée là-bas en ce moment même). Et à cette époque, la pollution n'existait pas... il n'y avait pas d'écran entre le haut de la tour et le soleil. Donc il s'asseyait là-haut et, écartant ainsi les doigts tendus, il les agitait devant ses yeux fermés; puis il interprétait ses visions de façon à influer sur elle au niveau de ses pouvoirs politiques... c'était comme des instructions provenant d'un pouvoir plus élevé.

Re/Search : Mais c'étaient de bonnes visions ?

Brion : Elles pouvaient également prédire de mauvaises choses. Pierre le Grand avait aussi quelqu'un qui s'asseyait en haut d'une tour et bougeait ses doigts de cette façon devant ses paupières closes... Et chacun de nous peut aller regarder par la fenêtre ou s'allonger dans un champ et faire de même, et on obtient un grand nombre de visions de ce type - en fait c'est la même zone que les ondes alpha d'excitation du cerveau - à l'intérieur de la bande alpha entre 8 et 13 flashes par seconde. Et la Dreamachine produit cela de façon continue, sans interruption, à moins que vous ne l'interrompiez vous-même en ouvrant les yeux comme ça.
Ainsi l'expérience peut être poussée beaucoup plus loin - dans un domaine qui est comparable aux rêves réels. Par exemple très souvent les gens la comparent à des films. Eh bien, qui peut dire qui projette ces films - d'où viennent ces films ? Si vous regardez cela comme j'ai plutôt tendance à le faire maintenant - comme étant la source de toute vision - vu l'expérience que j'en ai après avoir passé de nombreuses centaines d'heures devant la Dreamachine - j'y ai vu pratiquement tout ce qu'il m'a été donné de voir, c'est-à-dire toutes les idoles. Toutes les images rattachées à des religions établies, par exemple, apparaissent - des croix surgissent tout d'abord, des yeux d'Isis flottent, et de nombreux symboles de ce genre surviennent comme s'il s'agissait des archétypes jungiens qu'il considérait comme communs à toute l'humanité.
Et ensuite on va beaucoup plus loin - on obtient des bribes de souvenirs, on obtient ces petits films qui sont apparemment projetés dans la tête... ensuite on entre dans un domaine où toute vision est dans un cercle complet de 360 degrés et on est plongé dans une situation de rêve qui s'installe tout autour de soi. Et il se peut que ce soit tout ce qu'on puisse voir... qu'effectivement le rythme alpha contienne tout le programme de vision humaine. Eh bien, c'est un gros morceau à traiter - et je ne pense pas que quiconque veuille particulièrement... des amateurs assis en face de Dreamachines en train de jouer avec, peut-être..."
extrait de Re/Search : William Burroughs/Throbbing Gristle/Brion Gysin, 1982


Utilisation thérapeutique de la Dreamachine.

Des thérapeutes ont expérimenté la Dreamachine auprès de leurs patients, avec des gens souffrant de la maladie d'Altzheimer, et avec des enfants handicapés mentaux. Ils ont constaté que la Dreamachine avait un effet calmant sur l'anxiété, similaire aux médicaments anxiolytiques et ont suggéré que son usage soit accompagné de musiques ou de sons : bruits de nature, musique de didjeridoo, etc.
Les ondes alpha sont déjà utilisées depuis des années dans des centres de relaxation, non sous la forme de la Dreamachine, mais avec des lunettes produisant des flashs lumineux intermittents.
La Dreamachine conduit instantanément au silence intérieur, tout comme avec la pratique de la méditation, à la différence que cet effet est automatique avec la dreamachine alors qu'il réclame de la pratique, du temps et de la volonté avec la méditation.
Izzy, membre d’Interzone


Attention : l'usage de la Machine à rêver est déconseillé aux personnes souffrant d'épilepsie, chez qui elle peut déclencher des crises , de même que les stroboscopes, les téléviseurs ou les ordinateurs.


MUSIQUE

La musique tient une place dans l’œuvre de Gysin. A Tanger, il découvre la musique gnaoua et les musiciens de Jajouka pour lesquels il ouvre dans les 50’ « Les Mille et Une Nuit ».

C’est lui qui les fera connaître quelques années plus tard à Brian Jones, guitariste des Rolling Stones. Un disque paraîtra sur Rolling Stones records sous le titre « Brian Jones presents the Pipes of Pan at Joujouka », masters musicians of Jajouka. Phillip Glass en est le producteur exécutif. Brion Gysin signera le texte de la pochette avec Burroughs et Paul Bowles.

Il développe le système des cut-ups par le biais d’enregistrements sonores et participe à des performances littéraires et musicales.


Brian Jones au Maroc

Fin des 70’, il travaille avec le musicien de jazz américain Steve Lacy. Celui-ci a abordé l'improvisation sous plusieurs angles. Par exemple, en s’intéressant aux techniques de cut-ups en tentant de les appliquer dans le contexte du free jazz. Steve Lacy était également au fait des méthodes et principes du mouvement surréaliste : cadavres exquis, écriture automatique, théories sur le rêve et le hasard qu’il appliqua à sa musique. Brion Gysin & Steve Lacy enregistrent « Songs », poèmes et saxophones hallucinatoires.

Avec Ramuntcho , fils du peintre surréaliste chilien Roberto Matta, il enregistre trois morceaux et donnent un concert à la Final Academy de Londres en 1982.

En 1983, ils travaillent intensément ensemble et enregistrent avec le musicien Don Cherry un disque : Kick. Ils font une série de concerts dans des festivals de poésies sonores ou de musiques nouvelles.

En 1984, ils voyagent ensemble à New York et donnent à leur retour un concert au Casino de Paris
La même année, il participe au festival de Bourges avec Polyphonix de Jean-Jacques Lebel . Brion Gysin & Ramuntcho Matta à Londres


1985 voit la sortie de l'album "Ramuntcho Matta presents...", résumé de leur collaboration.



Mais plus que son œuvre musicale, c’est son influence sur la musique de son époque et celle d’aujourd’hui qui semble primordiale. Des montages sonores de la grande époque psychédélique du Pink Floyd, de l’électronique futuriste de Laurie Anderson à la musique actuelle à base de samples, de boucles sonores, comme le rap, le hip-hop, de nombreux musiciens représentatifs de ces mouvements sont les enfants directs des permutations sonores expérimentées par Brion Gysin.



Bibliographie

To Master A Long Goodnight ???

The Process, roman, New York 1969 and London, Jonathan Cape, 1970. Reprinted by Quartet Books and Paladin Grafton Books. Paru en français sous le titre Désert dévorant, Flammarion, 1975.

Last Will and Testament. Seconde édition 1974

Soft Need # 17, numéro spécial consacré à Brion Gysin. Expanded Media Editions 1977. In-4, 112 pages. De nombreux documents, photographies et textes concernant Brion Gysin, avec des contributions de John Giorno, Patti Smith ainsi qu'un entretien avec Brion Gysin.

Here to go: Planet R-101. London: Quartet Books, 1982.

Légendes de Brion Gysin, Gris Banal éditeur, 1983

Stories, nouvelles, Oakland, CA: Inkblot, 1984. Paper.

The Last Museum, New York: Grove Press, 1986. Hrdbck, Paperback.

Tuning in to the Multimedia Age, Edité by José Férez Kuri Thames and Hudson 2003

Brion Gysin: 23, Editeur Paris-Musées 2004


associé à William S. Burroughs :

Minutes To Go (avecWilliam Burroughs, Brion Gysin, Sinclair Beiles et Gregory Corso) Two Cities, Paris, 1960. Premières expériences de cut-ups publiées par une librairie parisienne. Beach Books 1968

Exterminator (avec Brion Gysin) Auerhahn, San Francisco 1960

Brion Gysin Let the Mice In (par Brion Gysin, textes de WSB)
Something Else, West Glover, V., 1973.
Edité par Jan He rman. Avec des textes de William Burroughs & Ian Sommerville.

The Third Mind (with Brion Gysin) Viking, New York, 1978, paru en français sous le titre Oeuvre Croisée, Flammarion

Colloque de Tanger, vol.1 & 2, (avec Brion Gysin et Gérard-Georges Lemaire; textes de conférence, en français) Christian Bourgois, Paris, 1979.

RE/SEARCH #4/5 (William S. Burroughs, Brion Gysin and Throbbing Gristle) edité par Vale, San Francisco: RE/SEARCH, 1982.

The Cat Inside (with Brion Gysin) Greenville, New York, 1986 (édition limitée). LC 92-1126. (0-670-84465-9, Viking) Viking Penguin. 96p. 1992.

Biographie :
Nothing is true - Everything is permitted: La vie de Brion Gysin par John Geiger, 2005





LE TIERS ESPRIT
Gysin :
... lorsque vous associez deux esprits...
Burroughs :
... Il y a toujours un tiers esprit...
Gysin :
... Un tiers esprit supérieur...
Burroughs :
... Comme un collaborateur invisible.

In "Œuvre Croisée".



TALK ABOUT

William S.Burroughs
« J’ai admiré des gens, je les ai aimé mais Brion Gysin fut le seul homme que j’ai toujours respecté. »

Marianne Faithfull
« I remember in 1970-2 when I was very out of it, somewhat alone and friendless. I would come to London to score and would meet Brion on Mayfair to have a tea and talk a lot. He was my only friend and I loved him and he loved me.”


Ramuntcho Matta
.... Et donc je me suis retrouvé, tous les matins je prenais mon cartable et mon vélo, et j'allais chez Gysin, où on commençait la matinée par s'inspirer. Il me racontait des histoires, il me racontait sa vie. Et puis il y avaient des gens qui passaient chez lui, des gens comme David Bowie, Iggy Pop, Lou Reed, mais aussi bien Ginsberg, Corso, évidemment Burroughs passait très très souvent. C'était dans son appartement près de Beaubourg. Donc je me suis retrouvé avec ces gens, alors que moi je pensais que c'était tous des gens extrêmement destroy, qui traînaient, etc., ces gens avaient un côté "on traîne" et "on se débarrasse des inhibitions", mais en même temps avaient une rigueur de travail terrifiante. C'est à dire que réellement Gysin, comme Ginsberg, comme Burroughs, tous les matins écrivaient pendant quatre heures. Après il dessinait, et c'était vraiment comment sauver sa vie, comment sauver sa misère terrestre dans les consolations que sont les... la création. Et pour moi c'est ça que j'ai retiré. Après, évidemment, comme il n'y a que le travail qui nous console, on a fait de la musique ensemble, après on a fait des disques et je me suis retrouvé avec lui sur scène. Il y avait ce festival organisé par Jean-Jacques Lebel qui s'appelait Polyphonix, qui était une espèce de réunion de tous ces personnages. Mais surtout ce qui était intéressant c'était de voir ces gens au jour le jour, prendre le petit déjeuner, vivre et travailler.

Quel genre de dialogue pouvait avoir quelqu'un de ta génération avec des gens comme Corso ?
Corso je n'ai pas eu beaucoup de relations avec lui, enfin je l'ai rencontré comme ça, mais c'étaient évidemment Gysin, Burroughs, et Ginsberg, et j'ai l'impression que du fait qu'ils étaient homosexuels, qu'ils n'avaient pas eu d'enfant, en tout cas pas officiellement. Je suis arrivé à un âge, donc quinze-seize ans, eux ils en avaient déjà soixante, donc c'était peut être l'âge auquel ils auraient aimé transmettre quelque chose à un fils. Et j'ai eu beaucoup de chance de ce côté là, parce que je n'ai jamais eu d'avance sexuelle, et j'ai jamais eu de choses de compétition etc., j'avais juste l'impression qu'ils avaient envie de transmettre un savoir…

Quel a été le rôle de Gysin? Est-ce un rôle de catalyseur ?
Gysin, j'ai l'impression qu'il y avait quelque chose de très important chez lui comme chez tous ces gens de la Beat, c'est à dire, par rapport à la société, plutôt que d'essayer de se protéger, son univers, sa petite ambition, son petit business, ses petits profits, ses petites spéculations, il fallait essayer d'aider les gens. Et ça, ça voulait dire transmettre en permanence tout ce qu'on enseignait. Et c'est à dire, vu que moi j'étais intéressé par la musique, il m'a fait rencontrer les plus grands de la musique. Et c'était comme ça, et j'ai l'impression que c'est un devoir de vie, même par rapport à nous mêmes, c'est un mode de vie de transmettre en permanence et d'aider. C'est à dire de mettre les gens ensemble et c'est vrai qu'il était catalyseur, mais à tous les niveaux. C'est à dire que quand il parlait, et ça c'est aussi un exercice mental, quand il parlait avec son monsieur qui faisait le ménage chez lui, il était, ils étaient sur la même longueur d'ondes, c'était génial! Après quand il était avec Burroughs, et qu'il parlait des hiéroglyphes, pareil, il arrivait à se mettre au niveau de tout le monde. Et en musique, ce qu'il adorait, c'est que justement lui qui pensait que le mot était fait pour cacher la pensée et qu'il fallait exprimer des choses plus sincères, il pensait que la musique était ce qu'il y avait de plus proche de ce qu'on pouvait exprimer, sans être déformé par les mots.


Biographie BRION GYSIN
Les expositions de Brion Gysin ne figurent pas pour la plupart dans cette biographie. On peut les retrouver à la fin du chapitre consacré à la peinture.

Mercredi 19 janvier 1916, 18H10. A Taplow, « près de Windsor et d’Eton, en vue de l’Observatoire de Greenwich où commence le Temps astrologique », Buckinghamshire, Angleterre, naissance de Brion Gysin, citoyen américain.

1932-1934. Ecole au Canada puis au Downside College, Angleterre.

1934. Vient à Paris, étudie à la Sorbonne. Premiers contacts littéraires & artistiques par l’entremise de Sylvia Beach, côtoie Max Ernst, Meret Oppenheimer, Valentine Hugo, Gala & Salvador Dali, Dora Maar & Picasso… Il rejoint le groupe des Surréalistes.

Première exposition collective à la Galerie Quatre Chemins à Paris. Certains de ses dessins sont retirés et il est exclu des Surréalistes sur ordre d’André Breton.

1938. Voyage en Grèce. Premier séjour en Algérie, Sahara.

1939. Première exposition personnelle à la Galerie Quatre Chemins à Paris. Il habite rue Gît-le-Cœur.

1940. Il arrive à New-York, fréquente de loin le groupe des Surréalistes, Matta, Paalen, Seligman, etc. Assistant d’Irene Sharaff (assistant costumier) pour sept comédies musicales à Broadway.
Il peint mais n’expose pas.
Voyages en avion entre Miami & La Havane qui lui inspirent une série de paysages aériens réalisés selon la technique dite « decalcomania ».

1943. Il travaille comme soudeur sur les chantiers navals, réalise des sculptures en métal puis s’enrôle dans les armées US & canadienne.

Il prend des cours de japonais et de calligraphie pendant 18 mois.
Il écrit une biographie de Josiah Henson (Uncle Tom) « To Master a long Goodnight » suivi d’ « Une histoire de l’esclavage au Canada » (New-York 1946).

1949-1950. Il reçoit une des 1ères bourses de la Fondation Fullbright pour la France. Recherches sur l’esclavage à l’université de Bordeaux et aux Archivos de India à Séville en Espagne.

1950-1956. Voyage à Tanger au Maroc avec Paul Bowles en 1950 à la suite duquel il décide de s’y installer durablement.
Hiver et printemps, il sillonne le Sahara et tient des carnets d’observations et de croquis dont il se servira pour ses peintures 1951/1952.
Première rencontre avec William Burroughs.
Après la calligraphie japonaise, il étudie la calligraphie arabe et à partir de ces deux façons d’associer la lettre et la peinture, Gysin en vient à concevoir des toiles calligraphiques qui refusent l’espace occidental.
Il commence une longue collaboration avec les musiciens de Jojouka et ouvre à leur intention un restaurant « les Mille et une Nuits » à Tanger en 1953.
L’indépendance marocaine et l’épisode algérien de 55/56 avec John & Mary Cooke provoque la perte des « Mille et une Nuits ».

1957-1959. Retour à Paris. Habite rue Gît-le-Cœur au surnommé « Beat Hôtel » et débute une longue série de collaborations avec William Burroughs ainsi qu’avec Ian Sommerville, Gregory Corso et Allen Ginsberg.
Découvre les cut-ups, les Permutations, explore les Projections et invente la Dreamachine avec Ian Sommerville.
« Minutes to go » (Paris) avec Burroughs, Corso et Sinclair Beiles, “The Exterminator” (San Francisco) avec Burroughs.
Enregistre une émission radio pour la BBC d’après « Minutes to go » et des « Permuted poemes ».
Lecture-happening à l’Heretic club de Cambridge, peignant simultanément de grands formats et à l’ICA de Londres avec Burroughs et Sommerville, bandes et projections, textes et peintures.

1960-1962. Lectures animées avec des enregistrements magnétiques et des projections « Le Domaine Poétique » à Paris avec Françoise Dufrêne, Bernard Hiedsick et Henri Chopin,
Collabore avec Burroughs à « The ticket that explosed » qui se transforme à la fin en « permuted calligraphy », « Silence to say goodbye », exposition de groupe à Paris, Salon « Réalités Nouvelles ».
Pour la BBC « the Permuted Poems of Brion Gysin », IAM THAT I AM, Pistol Poems, etc.
Premières présentations de la Dreamachine lors d’une exposition collective à Venise et à Paris d’une exposition personnelle à Rome où il travaille dans un studio prêté par Matta ; invente le « Roller Grid » influencé par les visions de la Dreamachine.
Tournage du film « Towers Open Fire » réalisé par AntonyBalch avec Gysin, Burroughs, Sommerville, Michael Portman.
Formation du groupe « Domaine Poétique » par J-C Lambert et J.L Philippe avec Robert Filliou.
Premier spectacle à Paris avec les « Permuted poems » et des projections assisté de Ian Sommerville, suivi d’autres performances à Paris, en Suède, au Danemark et au Japon avec des poètes de plus d’une vingtaine de pays.

1963. « Guerilla conditions » un tableau sur un texte de Burroughs peint sur le vif avec des « permuted tapes », performance filmée par Antony Balch,
Dreamachines pour Helena Rubinstein avec Ian Sommerville.

1964. Exposition personnelle présentée par Burroughs à Tanger, Les grilles de Gysin qui combinent l’horizontalité de la graphie arabe et la verticalité de l’écriture japonaise servent souvent de support à ses propres textes ou ceux de Burroughs comme dans « The Third Mind » (« le Tiers Esprit » Flammarion).
Peggy Guggenheim présente ensuite ses œuvres au musée des Beaux-Arts de Boston et au musée d’Art Moderne de Santa Fe au Nouveau Mexique.
« Permutations », livre de sérigraphie (Paul Gette, Paris)
Performance collective avec Henri Chopin à Paris.
Enregistrements des « Permuted Poems » publiés par Chopin.
A New-York, « Permuted Poems » dans le métro et avec Burroughs à l'American Theatre for Poets.
« Between poetry and painting » à l’ICA de Londres.
“Subway sounds” avec John Giorno à la 4ème biennale de Paris.

1965. A New-York avec Burroughs il prépare texte et illustrations pour « The Third Mind », part pour Tanger où il commence à travailler sur « The Process »,

1966. Diverses expositions collectives à Paris, Prague, Nice.

1967. « Hepta » recueil de poèmes, Paris

1968. « The Cut Ups », un film de Antony Balch avec Gysin, Burroughs, Sommerville, Portman...

1969. The Process” New York & Londres et Paris (sous le titre “Désert Dévorant » chez Flammarion).
Il écrit le scénario de « Naked Lunch » (“Le Festin Nu”), voyage entre Tanger, Londres, Cannes, Venise, New-York…
« Concrete Poetry » à l’université d’Indiana.
Poèmes pour « Gette’s Crystal » avec Burroughs. Texte pour la pochette de « Brian Jones presents The Pipes of Pan of Joujouka » (Rolling Stones records).
De retour à Paris commence son second roman. Premier jet de « Beat Museum - Bardo Hotel ».




1970/1973. « Permuted Poems » WBAI à New-York et à Radio Pacifica à San Francisco.
Brion Gysin “Let The Mice In” (New-York) avec des textes de Burroughs et Sommerville.
Couverture, photos et illustrations pour le « Catalogue of the William S. Burroughs Archive » (Londres) et illustrations pour Burroughs « Révolution Electronique » (Paris).
Longue interview avec Burroughs pour la revue « Rolling Stone » par Robert Palmer.
Performances collectives ou solitaires à Paris, Rome…

1973. Retour définitif à Paris,
« Œuvre Croisée » (« The Third Mind ») Paris.
Il recommence à travailler à “Beat Hotel” assisté de Terry Wilson, premier chapître intitulé Beat Museum. Bardo Hotel apparaît dans le numéro spécial consacré à Brion Gysin de « Soft Need » (Bâle) avec des transcription des premières bandes enregistrées avec Terry Wilson pour « Here to Go : Planet R 101 »
« Le Colloque de Tanger » avec Burroughs (Genève).
“Poésie sonore” avec Steve Lacy à Paris, Le Havre, Rennes, Bruxelles...
« The Third Mind » (New York)
Performances avec Burroughs, Corso, Ginsberg à Amsterdam, à la Nova Convention de New-York et aux 1er & 2ème Festival International de Poésie à Rome avec les même plus Phillip Glass, John Cage, Frank Zappa et Patti Smith.

80’ Gysin se consacre essentiellement à la peinture et à la musique.
1982 Il enregistre avec le fils du surréaliste chilien Roberto Matta, Ramuntcho. Ensemble, ils participent à la Final Académie à Londres, organisée autour de Brion et William Burroughs par Roger Ely et qui s'étale sur 4 soirées.
1984. Il fait partie de Polyphonix avec Jean-Jacques Lebel et participe au Printemps de Bourges avec William Burroughs.
1985. Il est décoré de l'ordre de Chevalier des Arts et Lettres.

16 Juillet 1986. Brion Gysin meurt dans son appartement à Paris, suite à un cancer du poumon. Il lègue ses œuvres à la Fondation de France et ses archives sonores à Ramuntcho Matta, qui continue de les publier.

Ses peintures se trouvent au Musée d’Art Modern de New-York, à la Fine Arts Gallery de Boston, au Centre Pompidou à Paris, au Musée d’Art Moderne de Paris et dans de nombreuses collections privées.